Géologie et volcanologie

À la source « véritable » du fleuve Loire

À la source « véritable » du fleuve Loire

Il ne faut pas se fier aux apparences, à gauche c’est l’affluent : l’Aigue Nègre, comprenez l’eau noire.

Photo Jean Grimaud

L’Éveil de la Haute-Loire

On le sait tous depuis l’école : la Loire naît au Gerbier-de-Jonc. Les cohortes de touristes qui s’y pressent n’en doutent pas, davantage amusés par la querelle séculaire sur le point exact du premier filet d’eau, qu’intéressés aux pourquoi et comment de ces jaillissements intarissables. Une publication scientifique locale récente aborde le sujet et donne un avis sur la « source véritable »…qui ne serait pas celle que l’on croit.

Dans le numéro 2020 de la publication Zircon du groupe géologique de Haute-Loire figure le compte rendu illustré d’une sortie organisée en Haute-Ardèche par Casimir Cortial et André Reymond, deux géologues membres du groupe, l’un amateur très averti, l’autre professionnel. Le dessin reproduit (ci-dessous) montre bien le rôle joué par le Mont-Gerbier, véritable capteur de pluie et d’humidité atmosphérique. Une explication l’accompagne : « L’eau s’engage dans les fissures de la phonolithe organisée en colonnes, très ouvertes en surface mais probablement plus serrées en profondeur. L’eau circule jusqu’au socle de granite, altéré en surface, qui l’absorbe entre ses grains et se sature. Lorsque le niveau d’eau recoupe la surface, nous avons une source. » En fait, plusieurs, formant de petits ruisseaux, qui vont donner naissance à la Loire…
Sur la ligne de partage des eaux près de la ferme de Bourlatier, on a d’ailleurs construit une « Tour à eau » en pierres qui reproduit de façon pédagogique, le scénario Gerbier : même après une longue sécheresse, la vasque qu’elle abrite est remplie d’eau.Perdue dans les bois, aucun panneau : la découverte de la « source véritable » se mérite !

Photo Jean Grimaud

L’authentique et la cadastrale

Ce point éclairci, reste un autre sujet. Il n’est pas question ici de révisionnisme, la source de la Loire, c’est un dogme, elle est et restera au Gerbier où, depuis les temps historiques du Touring club de France (TCF), et de son chalet-hôtel, on a voulu accueillir les visiteurs. Ce bâtiment à l’histoire mouvementée, racheté par le Département de l’Ardèche, a d’ailleurs été transformé en Maison du Site dans le cadre des grands travaux d’aménagement inaugurés en 2016, pour un coût total de 4,5 millions d’euros. Dans ce contexte, la revendication de deux propriétaires, distants de 800 mètres, de détenir la vraie source semble anecdotique, bien que revendiquée à grand renfort de panneaux et inscriptions diverses.

Inutile d’embrouiller les choses avec une troisième source. Celle, très populaire, qui coule dans l’abreuvoir de l’ancienne ferme Loire (l’authentique sur la carte de Zircon), n’a fait que traverser la route dans un tuyau, depuis celle captée autrefois au pied de son chalet par le TCF, qui lui, avait fait élever un monument à l’altitude de 1.412 mètres. L’aménagement de 2016 est beaucoup plus sobre : à travers les barreaux d’une grille en fonte, on voit couler l’eau qui jaillira un peu plus bas dans l’abreuvoir (altitude 1.410 mètres). Une borne routière de récupération indique Saint-Nazaire à 1.020 km, et l’eau se repose dans une petite mare avant d’entreprendre ce long voyage.

Une source venue d’ailleurs

La source concurrente, « la cadastrale », référence à un très ancien cadastre où elle figure en toutes lettres, on la découvre près de l’ancienne ferme de Sagnas, un peu plus loin à l’est, vers le site de ski de fond, dans un pré en contrebas du restaurant de Régine. Sur une lauze et une planche gravée, on déchiffre l’inscription « Ici commence ma course vers l’Océan », course qui débute, ici encore, par un petit plan d’eau assez sympathique.
Depuis plus de cent ans on en débat, et personne n’a su, osé ou voulu trancher : laquelle des deux est la vraie source de la Loire ? Il fut même un temps question d’en appeler, pour en finir, au Conseil d’État qui avait sans doute d’autres chats à fouetter. Les cartes IGN s’en tirent bien avec une série de ronds bleus sur la zone et, pour ne froisser personne, un « Sources » au pluriel œcuménique. Interrogés, les plus prudents, bottent en touche avec un « quelle importance ? » qui dépassionne le débat. La réponse même que nous fit le gérant, Grec et grand baroudeur, du gîte d’étape de la Bastide, un jour où nous cherchions une autre vraie source dans son secteur, celle de… l’Allier.Pour tenter d’y voir plus clair sur la vraie source de la Loire…

Bien différente, snobée par les locaux et les orthodoxes, mais peut-être plus sérieuse, une autre hypothèse : la vraie source, il faudrait la chercher à cinq kilomètres du Gerbier, cachée au plus profond d’un bois pentu, entre forêt de Bonnefoy et Rocher des Pradoux. C’est celle de l’Aigue Nègre, « l’eau noire », un affluent qui rejoint la Loire à la Ceyte, site maintes fois photographié, avec le Mythique Gerbier en toile de fond du confluent. Sauf qu’ici l’affluent débite plus que le fleuve, qu’en ce point il a parcouru deux fois plus de kilomètres, sans oublier que sa source, à 1.440 m d’altitude est plus élevée en altitude que celles du Gerbier…

Infiltrée dans le clapier phonolitique du Mont, l’eau rejaillit à son pied au contact du socle granitique.

Baptisée d’un condescendant « source des Savants »

Baptisée d’un condescendant « source des Savants », elle a en effet, les faveurs de cette communauté, dont font partie les géologues : sur la carte publiée dans Zircon, elle a droit à l’appellation de « véritable », avec la mention : « elle est le point zéro à partir duquel on commence à mesurer la longueur de la Loire ». Wikipedia, « moderne encyclopédie universelle » se veut plus catégorique : « D’après les règles admises, l’Aigue Nègre devrait être considérée comme le véritable fleuve aux dépens de celui-ci ».
Sans aller jusque-là, ce qui reviendrait à débaptiser la Loire, pourquoi ne pas mentionner sa source comme une curiosité pour randonneurs, aux férus de cartographie et d’orientation. Bien qu’inaccessible en voiture, elle n’est pas si loin du goudron, et de plusieurs sentiers GR emblématiques qui parcourent ce territoire de partage des eaux, aux immenses horizons hérissés de toute une collection de sucs, Lauzière, Montfol, Taupernas… Après quoi une halte bien méritée au Gerbier serait davantage appréciée.

Jean GrimaudUn lieu mythique


Présentation du massif Mézenc Meygal

Le massif volcanique du Mézenc – Meygal à pris naissance à l’époque mio-pliocène aux environ de -15 à -7 millions d’années. Situé entièrement en Haute Loire le massif du Meygal culmine à 1436 mètres au Testavoyre. Ses reliefs sont majoritairement constitués par des laves phonolithiques ou trachytiques, laves épaisses qui se sont accumulées à leur point de sortie, formant des protrusions: dômes, dômes coulées, aiguilles, appelées « Sucs » dans le Velay. Ces reliefs reposent soit sur des coulées de nature basaltique dont les cônes ont depuis longtemps disparus, soit directement sur le socle cristallin ( granit du Velay), ou encore, aux abords du bassin du Puy en Velay, sur des argiles oligocènes. Ce massif du Meygal présente des paysages au caractère bocager, avec de petites  exploitations agricoles aux parcelles entourées de murets de pierres sèches.

Séparé du Meygal par les vastes plateaux basaltiques de Moudeyres, Saint Front, Fay sur Lignon et des Vastres,  le massif du Mézenc également d’origine volcanique, se trouve à cheval sur les départements de la Haute Loire et de l’Ardèche ou il se prolonge au sud-est par le massif du Coiron. Comme le massif du Meygal, il est constitué de reliefs de nature phonolitiques ou trachytiques reposant sur d’épaisses coulées de laves de nature basaltique, (coulées particulièrement spectaculaires sur le versant Ardéchois à St Clément) ou sur le socle de nature granitique.

Plus élevé que le Meygal et culminant à 1753 m au Mont Mézenc, il présente un aspect différent de ce dernier; d’une part par son altitude plus élevée, mais surtout par sa position à cheval sur la ligne de partage des eaux Loire/Rhône. Versant Loire ce massif présente de vastes plateaux couverts de riches prairies naturelles, propices à l’élevage bovin (Fin gras du Mézenc)

Sur le versant Rhodanien, exception faite des hauts plateaux Ardéchois du Béage, Ste Eulalie et Sagnes et Goudoulet, prolongeant les hauts plateaux du Velay; les reliefs sont beaucoup plus accentués, entrecoupés par des vallées profondes: Saliouse, Eysse, Dorne et leurs affluents, rivières tributaires de l’Eyrieux au versant Nord; La Bourges, la Bésorgues la Volane, au sud, rivières tributaires de l’Ardèche. Toutes ces rivières qui rejoignent le Rhône, situé à vol d’oiseau à environ 60 km. du Mézenc , à une altitude de seulement une centaine de mètres, ont plus profondément disséquée la couverture volcanique et le socle granitique que sur le versant Loire; les coulées basaltiques ne subsistent, en inversion de relief, qu’au sommet des longues échines séparant les vallées, (Ex: Serre des Chalayes, Plateau d’Echamps, Serre de jusclas). Les reliefs phonolitiques ont été profondément déchaussés (Suc de Sara) laissant apparaitre leur structure profonde.

Le paysage est totalement différent de celui des plateaux: de petites fermes agricoles la plupart abandonnées s’accrochent aux pentes cultivant des terrasses appelées acols; faisses, échamps; soutenues par des murets élevés au prix d’efforts considérables.

 

Extrait du diaporama  réalisé par Michel Viallon et Gaby Bergeron consacré à la flore du Mézenc que l’on retrouve dans l’onglet “Richesse naturelle et biodiversité” rubrique “Flore”.

 

 


Photo : Frédéric LAVACHERY

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APPEM-article geologie et volcanisme – octobre 2015-1